L’histoire des Égouts
de Paris

L’histoire des égouts de Paris et celle de la ville sont intimement liées. L’évolution de l’un influence celle de l’autre, et vice-versa. Alors que fin XVIIIe, l’égout est un cloaque, la capitale est envahie par la maladie. Au fil du XIXe et des avancées techniques, les égouts deviennent peu à peu un réseau agile, serpentant adroitement sous la ville en un réseau unitaire et gravitaire. Paris commence à respirer et à se développer.

Fleuron du patrimoine industriel français, les égouts deviennent un canal d’assainissement de la capitale. Ils jouent aussi un temps le rôle de levier de productivité pour l’agriculture. Ils sont une source d’inspiration pour les artistes : peintres et écrivains entrainent héros et vilains au fil des boyaux du réseau souterrain. Aujourd’hui, les égouts représentent un outil supplémentaire pour une ville plus verte, reflétant les préoccupations écologiques de notre temps.

« L’égout, c’est la conscience de la ville. Tout y converge et s’y confronte »

( Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan )

« Au commencement de ce siècle, l’égout de Paris était encore un lieu mystérieux »

(Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan)

Début 19e, il y a bien un égout sous Paris. Mais il ne remplit pas encore sa fonction d’organe digestif de la ville : on ne compte que 16 km d’égouts pour 550 000 habitants en 1800.

Dès 1806, le service des égouts de Paris est confié aux ingénieurs des Ponts et Chaussées.

En 1833, le premier réseau rationnel d’égouts est créé pour recueillir les eaux de pluies et celles du nettoyage des rues, déversées par les bornes fontaines. Les égouts peu à peu permettent à l’eau de circuler sous la ville qui parallèlement se développe et respire : ses déchets sont drainés par le réseau souterrain qui la débarrasse de ses eaux usées, acheminées vers les champs d’épandage pour fertiliser les cultures autour de la capitale.

1865 : des eaux pures captées à la source circulent dans le réseau et sont distribuées dans Paris, ainsi que de l’eau non potable pour arroser les parcs et nettoyer les rues.

En 1867, pendant l’Exposition universelle, le grand public peut visiter les égouts dans des galeries dont la hauteur a été augmentée pour faciliter le travail des hommes

En 1894, c’est le tout-à-l’égout : les égouts de Paris, réseau unitaire, entraînent désormais les matières solides avec les eaux usées et les eaux de ruissellement. L’irrigation à partir des eaux usées est de plus en plus utilisée, jusqu’en 1909 où elle commencera à décroitre.

Début 20e, alors que les eaux usées transitent avec les eaux pluviales dans la cunette principale, les égouts accueillent aussi les canalisations d’eau potable, d’eau non potable, d’air comprimé… Il y circule même une partie du courrier avec l’envoi de pneumatiques ! Aujourd’hui, le réseau abrite 141 259 km de fibre optique, pour assurer aux Parisiens l’Internet très haut débit.

« Tous les miasmes du cloaque se mêlent à la respiration de la ville »
(Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan)

Depuis le 18e siècle, la mortalité à Paris est la plus élevée de France et début 19e, la capitale souffre toujours du manque d’hygiène.

A Paris, l’égout parfois déborde, comme le décrit Victor Hugo : « Par moments (…) le cloaque refluait dans le gosier de la ville, et Paris avait l’arrière-goût de sa fange ». L’écrivain évoque par exemple l’inondation de 1802 : « La fange se répandit en croix place des Victoires, où est la statue de Louis XIV. Elle entra rue Saint-Honoré par les deux bouches d’égout des Champs-Elysées ».

On comprend facilement que les épidémies de choléra se succèdent dans la capitale, en 1832, 1849 puis 1884). On incrimine d’abord la « corruption de l’air » par les activités industrielles et la population trop dense. Ou encore les « miasmes » stagnant dans les rues où les immondices s’accumulent, ainsi que l’entassement des populations misérables dans des immeubles insalubres.

A Paris, on boit une eau souvent malsaine car les nappes phréatiques et les puits sont contaminés par les fosses d’aisance, et les eaux usées que l’on rejette dans la rue ou dans la Seine. On ne pointe cependant pas encore clairement à l’époque le rôle de l’eau dans la transmission des maladies… Mais on réfléchit déjà aux moyens de nettoyer les rues et des médecins recommandent d’évacuer les eaux sales à l’égout. C’est le début d’une profonde transformation du réseau souterrain.

« Ramification obscure, toujours en travail; construction ignorée et immense »
(Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan)

Nombreux sont les hommes de science à s’être penchés sur l’égout, depuis son état de cloaque puis de réseau tentaculaire au fur et à mesure qu’il prenait forme. On pense notamment au médecin hygiéniste Alexandre Parent du Chatelet, aux ingénieurs Henri-Charles Emmery et Adolphe-Auguste Mille…

Mais parmi tous ceux qui ont façonné les égouts de Paris, Eugène Belgrand tient une place à part. Ce polytechnicien et ingénieur des Ponts et chaussés, passionné d’hydrologie, est appelé par le préfet Haussmann pour prendre en charge le service des eaux de Paris en 1854. Objectif : fournir à la ville de l’eau pure en permanence. L’ingénieur met en place des captages d’eau de source qui alimentent Paris à partir de 1865. Ce nouveau réseau, tout comme celui de l’eau non potable destinée à l’arrosage des parcs, des jardins et des rues, transite par les égouts. Son œuvre ne s’arrête pas là : cette eau pure, il faut la distribuer, puis assurer sa récupération une fois qu’elle a servi.

En 1867, Eugène Belgrand devient directeur des Eaux et Égouts de Paris.

Il crée aussi des outils assurant le bon fonctionnement des égouts, comme des engins de curage : bateau vanne pour curer les grands collecteurs, wagon vanne pour les petits collecteurs, mitrailleuse pour les égouts élémentaires. Ces principes de curage sont toujours valables aujourd’hui.

« C’est, dans la terre, une sorte de polype ténébreux aux mille antennes qui grandit dessous en même temps que la ville dessus »
(Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan)

Alors que les égouts creusent leur chemins sous la ville, les rues à la surface changent de visage. Les avancées de l’un ont un impact sur l’autre, et vice-versa.

Dès 1833, avant même le début des grands travaux d’Haussmann, les chaussées fendues des rues traditionnelles commencent à faire place aux premières chaussées bombées. Celles-ci sont équipées de deux ruisseaux latéraux, qui recueillent l’eau de nettoyage des rues, déversée deux fois par jour par plus d’un millier de bornes fontaines. En parallèle, cette même année, le premier réseau rationnel d’égouts apparaît sous la ville : il permet de récupérer cette eau de nettoyage ainsi que les eaux de pluies.

« Notre fumier est or. Que fait-on de cet or fumier ? On le balaye à l’abîme »
(Victor Hugo, L’Intestin de Léviathan)

Très tôt, les eaux usées ont été considérées comme une ressource à exploiter. Victor Hugo désigne les matières organiques collectées à partir des logements des Parisiens comme de l’« engrais humain », « le plus fécondant et le plus efficace des engrais ». Il estime que jeter à l’eau cet « or fumier » est un non-sens. Il n’est pas le seul à le penser : dès 1868 et jusqu’au début du 20e siècle, l’irrigation agricole aux eaux d’égout est pratiquée. Elle permet l’épuration des eaux usées tout en fertilisant la terre : le rendement est en hausse, les Parisiens sont nourris.
Cependant, de plus en plus d’immeubles sont équipés du tout à l’égout : le volume des eaux usées à acheminer vers les champs d’épandage augmente drastiquement ; parallèlement, la surface de ces champs diminue rapidement face à l’urbanisation croissante. A ceci s’ajoute un risque sanitaire pointé par les hygiénistes ainsi que la concurrence des engrais chimiques. Résultat : l’épandage sera progressivement abandonné durant le 20e siècle.
On cherche alors des alternatives : parmi elles il y a l’épuration biologique. Des stations d’épuration sont construites. Les résidus produits par certaines d’entre elles sont récupérés et traités : ce sont les boues d’épuration toujours utilisées dans l’agriculture actuellement.

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